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Par Meïr Ben-Hayoun

Quatre jours avant les élections présidentielles américaines, il serait souhaitable que la personne perçue comme le plus proche allié d’Israël soit élue, mais est-ce que cela aura un impact réel?

Si on analyse de près les relations entre Israël et les Etats-Unis depuis le tout début, les différences entre les présidents des Etats-Unis depuis 1948 ne sont que des nuances de style. Certains ont eu un rapport chaleureux en apparence comme Ronald Reagan ou Bill Clinton, mais aux heures de crise graves que nous avons traversées, est-ce que cela a vraiment été à notre avantage?

   Depuis Harry Truman en 1948, en passant par Dwight Eisenhower, John F. Kennedy, Lyndon Johnson, Richard Nixon, Jimmy Carter, Ronald Reagan, George Bush le père, Bill Clinton, George W. Bush et maintenant Obama, tous les présidents américains ont exercé des pressions énormes sur Israël. Tous ont lancé des ultimatums aux dirigeants israéliens, parfois des menaces très brutales nous privant des des atouts politiques de nos succès militaires. En quelque sorte, ils nous ont ravi les victoires d’Israël. Tous ces présidents américains ont fait la cour à l’électorat juif des Etats-Unis par des déclarations pro-israéliennes encore plus grandiloquentes que celle de dirigeants israéliens eux-mêmes.

Le Président Harry Truman

Le Président Harry Truman

Depuis que ce sujet a été évoqué, tous les candidats à la présidence se sont déclarés favorables au transfert de l’Ambassade des Etats-Unis à Jérusalem en commençant par Bill Clinton. L’Ambassade des Etats-Unis en Israël est toujours à Tel-Aviv et il est plus que probable qu’elle y restera. Même le candidat Obama avec kippa sur la tête et se recueillant devant le Kotel en été 2008 quatre mois avant son élection s’était prononcé en faveur du transfert de l’Ambassade US à Jérusalem.

Le Candidat Obama au Kotel en juillet 2008

Le Candidat Obama au Kotel en juillet 2008

Concrètement et poursuivant la traditionnelle politique étrangère américaine sur Jérusalem depuis toujours, Obama s’est ingéré et a exercé des pressions sans précédent pour geler la construction dans notre capitale. L’effet, entre autres, en est la flambée des tarifs de l’immobilier, sans mentionner la recrudescence des attentats et activités subversives arabes.

En cela, Obama n’a rien inventé. Il a tout simplement intensifié la politique de Washington ne considérant pas Jérusalem comme la capitale éternelle et indivisible du peuple juif, conception d’ailleurs partagée par pratiquement toute la communauté internationale, même par les plus proches “alliés” d’Israël.

Tous les Premiers ministres israéliens se sont perfectionnés dans l’art du slalom et ont tenté de manœuvrer de leur mieux pour se dégager de cet étau politique américain amplifié par la coopération militaire servant de levier aux Etats-Unis pour mener ses ambitions aux Moyen Orient, souvent au détriment d’Israël.

Lors des majeures crises traversées par Israël, Washington était quasiment absente quand elle ne nous mettait pas des bâtons dans les roues. Dès la Guerre d’Indépendance en 1948, le Président Harry Truman promulgua l’embargo sur les livraisons d’armes et émit un acte présidentiel interdisant aux militaires juifs américains démobilisés de la Seconde Guerre mondiale de venir combattre en Israël. Ce qu’on sait moins, c’est que juste après la Déclaration d’Indépendance par David Ben-Gourion le 14 mai 1948, les deux grandes puissances, les Etats-Unis et la Grande Bretagne, tentèrent à l’ONU d’imposer une résolution de régime de tutelle internationale au Foyer national juif vidant de substance la souveraineté retrouvée du peuple juif sur Eretz Israël. Ce complot diplomatique américano-britannique fut déjoué à l’ONU par l’URSS de Staline, politique pro-israélienne soviétique qui ne fut que de très courte durée.

Au terme de la Campagne du Sinaï en 56 dont nous célébrons le 60ème anniversaire, de concert avec les Soviétiques cette fois-ci, le Président américain Dwight Eisenhower menaça Ben-Gourion d’intervenir militairement si Tsahal ne se retirait pas de la péninsule sinaïque.

Lorsque la tension monta juste avant la Guerre des Six Jours, Nasser bloqua le détroit de Tiran, chassa les troupes de l’ONU du Sinaï et y introduisit ses divisions dans un dispositif offensif. Le ministre israélien des Affaires étrangères Abba Eban demanda aux Etats-Unis d’honorer leur engagement contracté avec Israël en 1956. Au Département d’Etat, on ne retrouva pas cette lettre d’engagement du Secrétaire d’Etat Dean Rusk d’assurer à Israël sa sécurité. Alors que les troupes arabes s’apprêtaient à rayer Israël de la carte, les assurances américaines ne valaient pas le papier sur lequel elles avaient été formulées, papier étrangement égaré au Département d’Etat.

Le Premier Ministre Golda Meir et le Secrétaire d'Etat Henri Kissinger

Le Premier Ministre Golda Meir et le Secrétaire                        d’Etat Henri Kissinger

Ou alors avant la Guerre de Yom Kippour lorsque Nixon et Kissinger mirent en demeure Golda Meir de ne pas ouvrir le feu comme avant la Guerre des Six Jours. En 1973, le Gouvernement israélien céda au diktat américain, ce qui couta la vie à plus de 2500 combattants juifs.

Soit dit en passant, un autre grand allié d’Israël avant la Guerre des Six Jours, le président français De Gaulle, lui aussi avait mis le Gouvernement israélien en demeure de ne pas ouvrir le feu en premier. En 1967, au pied du mur et menacé, Israël ne l’écouta pas. Le succès militaire juif sans précédent de la Guerre des Six Jours avait donc fourni un prétexte à la France pour rompre son alliance stratégique avec Israël. Vexé par les Israéliens ne l’ayant pas écouté, Charles De Gaulle engagea la France dans sa grande politique arabe dont le peuple français récolte les fruits amers et en boit le calice jusqu’à la lie aujourd’hui.

 Lors de la Guerre du Liban en 1982, Reagan non content de l’initiative israélienne  déclara le gel des livraisons de jets de combat F16 et imposa à Begin de se retirer de Beyrouth, ce qui donna le coup de départ à un nouveau joueur dans l’échiquier moyen-oriental, le Hezbollah, et déstabilisa tout le Nord d’Israël puis plongea le Liban dans le chaos jusqu’à présent.

Le Premier Ministre Itzhak Shamir et le Secrétaire d'Etat James Baker III

Le Premier Ministre Itzhak Shamir et le Secrétaire                     d’Etat James Baker III

Lors de la Guerre du Golfe en 1991, George Bush et son Secrétaire d’Etat James Baker envoyèrent à Shamir un ultimatum de ne pas lancer d’opération de représailles contre Saddam Hussein après les tirs de Scuds sur Israël.

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 Où après les Accords d’Oslo avec la multitude de violations par Arafat dès le lendemain de leur signature, Bill Clinton imposa à Israël de poursuivre l’application de ces accords à la lettre et de ne pas riposter, notamment lors de l’offensive palestinienne orchestrée pendant la fête de Souccoth en 1996, ce qu’on appelle les évènements des tunnels du Kotel. Le Premier ministre Netanyahou dont la défiance envers les accords d’Oslo était de notoriété, fut pris en étau par Washington, par un  “grand ami des Juifs” à la Maison Blanche.

Ariel Sharon et Condoleezza Rice

Ariel Sharon et Condoleezza Rice

 Plus récemment, lors de la Seconde Intifada, George W. Bush et Condoleezza Rice[i] empêchèrent Sharon de lancer des opérations militaires pour déraciner les nids de terroristes, ce qui a couté la vie à des centaines d’entre nous. L’Opération Rempart en avril 2002 fut tolérée par Washington, et encore, de façon très limitée et elle fut avortée avant son terme. C’est cela au demeurant qui a poussé Sharon au plus grand retournement de veste politique lorsqu’il a adopté sa politique d’abandon sans contrepartie de la Bande de Gaza en 2005. L’objectif consistait  à desserrer la pression américaine et internationale sur Israël.

Ehoud Barak et Leon Panetta

Ehoud Barak et Leon Panetta

Ou alors, Obama manipulant l’opposition israélienne et même le leadership de la Défense d’Israël pour intercepter toute tentative militaire du Gouvernement de régler le problème nucléaire iranien Voir le témoignage incroyable avant son décès du défunt directeur du Mossad, Meïr Dagan, expliquant qu’il s’est entendu avec les américains, notamment avec Léon Panetta[ii], pour déjouer une offensive israélienne sur les installations nucléaires iraniennes. Et il s’est avéré récemment que le Président Shimon Pérès orchestrait dans les coulisses ce coup d’Etat.

Ceci étant dit, beaucoup sont conscients de ces antécédents. Au demeurant, dans ce jeu des rapports de forces entre Jérusalem et Washington, ils soutiennent que ce qui importe, c’est que le prochain locataire de la Maison Blanche soit un allié stable, même si c’est un allié froid.

Qu’en est-il donc réellement d’un allié stable à la Maison Blanche? L’histoire récente d’Israël et les exemples susmentionnés montrent donc que l’Allié stable, c’est le Dieu d’Israël, l’atout stratégique ultime de l’Etat du peuple juif. C’est le parti pris d’un objet de foi certes, mais à bien y regarder, avec les crises inouïes que nous avons traversées et traversons encore, et avec ces alliés “stables” bien versatiles qui ont résidé à la Maison Blanche, comment aurait-t-on pu s’en sortir sans le Dieu d’Israël? Il faut un peu de réalisme et en prendre acte.

[i] Condoleezza Rice, Directrice du Conseil de Sécurité Nationale (National Security Committee) de 2001 à 2005. Secrétaire d’Etat dans l’Administration Bush de 2005 à 2009.

[ii] Léon Panetta: Directeur de la CIA de 2009 à 2011. Secrétaire à la Défense dans l’Administration Obama de 2011 à 2013.