par Pierre I. Lurçat
Dans les dernières pages de sa monumentale biographie de Jabotinsky, Shmuel Katz relate le refus obstiné de David Ben Gourion de respecter les dernières volontés du dirigeant sioniste révisionniste, qui avait souhaité que sa dépouille mortelle soit transférée en Israël, une fois que l’État juif aura vu le jour. « Israël a besoin de Juifs vivants, pas de Juifs morts », explique le Premier ministre aux nombreuses personnalités – de tous bords politiques – qui s’adressent à lui en ce sens. Les raisons de cette attitude intransigeante de Ben Gourion sont multiples et tiennent tant à la personnalité du leader travailliste qu’à ses rapports compliqués avec son rival, avec lequel il avait pourtant conclu un accord en 1934 (ce qui ne l’empêcha pas de le qualifier plus tard de « Vladimir Hitler »…)
Mais la raison principale est sans doute autre : plus encore qu’une rivalité politique ancienne ou qu’une rancune tenace accumulée au fil des ans, il s’agit de la volonté pour Ben Gourion et son parti d’empêcher que le souvenir encore vivace de Jabotinsky n’entrave leur entreprise d’écriture de la version officielle de l’histoire du jeune État d’Israël et du mouvement sioniste. Le parti travailliste, pendant les 30 années de son hégémonie politique (1948-1977), a en effet consacré de nombreux efforts à instaurer sa version de l’histoire de la construction de l’État, en minorant – ou en occultant totalement – la contribution des mouvements et des dirigeants opposés (du parti révisionniste en premier lieu, mais aussi du sionisme religieux).
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