Par Meïr Ben-Hayoun
Elor Azaria est le militaire inculpé pour avoir tiré sur un terroriste blessé à terre. Des affaires d’exécution de terroristes neutralisés ont déjà eu lieu, notamment l’Affaire de l’autobus 300 en 1984. Comment cela s’est-il passé alors?
Le 12 avril 1984, quatre Arabes de la Bande de Gaza prirent en otages les passagers de l’autobus de la ligne 300 faisant la liaison entre Tel-Aviv et Ashkelon. Ils étaient armés de poignards et d’une valise qu’ils disaient chargée d’explosifs. Ils menaçaient de la faire exploser si leur exigence de libérer 500 détenus membres du Fatah n’était pas remplie.
L’autobus de la ligne 300 arriva jusqu’à la localité de Dir El Ballah[1] dans la Bande de Gaza[2] et le lendemain matin, l’assaut pour libérer les otages fut donné. Une soldate parmi les otages, Irit Portoguez, fut atteinte par une balle et succomba. Deux des terroristes, Mahmoud Kabalan et Mahmoud Baraké furent abattus. Les deux autres, Madjdi Abou Jama et Subhi Abou Jama, furent capturés et amenés aux hommes du Shabak (Service de sécurité générale). Le directeur du Shabak, Abraham Shalom[3], déplora que les deux terroristes captifs n’aient pas été tués lors de l’assaut. Il ordonna à Ehoud Yaton[4], le chef des opérations du Shabak se trouvant sur place, de ne pas les laisser en vie. La raison en était que des preneurs d’otages ne devaient en aucun cas s’en sortir vivant. La crainte était que la vague des prises d’otages fréquente et particulièrement sanglante des années 70 à laquelle un terme avait été mis, ne reprenne. Ehoud Yatom et ses hommes prirent donc les deux terroristes arabes captifs et les achevèrent à coups de barres de fer pour ne pas faire de bruit avec une arme à feu.
Dans la presse, il fut fait état que tous les quatre terroristes avaient été abattus durant l’assaut. Or une photo prise par un photographe du quotidien Hadashot montrait clairement un des terroristes captifs entouré de deux hommes du Shabak. Cette photo avait été interdite par la censure, mais elle fit son chemin.
Deux ans après en 1986, sous l’égide du Conseiller juridique du Gouvernement, le professeur Izthak Zamir[5], l’affaire éclata au grand jour. Ce dernier voulait inculper les hommes du Shabak de meurtre et le directeur de ce service d’en avoir donné l’ordre et d’avoir systématiquement menti.
Porter atteinte au Shabak, un service si important pour la sécurité interne de l’Etat d’Israël en permanence en proie au terrorisme était hors de question pour les dirigeants israéliens. Alors que les querelles intestines amères étaient le lot quotidien au sein du Gouvernement d’Union nationale, une alliance ferme entre ces adversaires politiques vit le jour pour éviter aux hommes du Shabak d’être traduits en justice. Chaque jour apporta son lot de révélations et de rebondissements. Le débat devint houleux, beaucoup plus houleux que le débat actuel autour de l’Affaire Elor Azaria.
Dans ce drame cornélien au plus haut niveau politique-sécuritaire-juridique, c’était l’affrontement entre la raison d’Etat contre la légalité, l’Etat de Droit. Malgré les pressions du Gouvernement qui l’avait nommé, le Professeur Zamir ne démordait pas d’un pouce pour faire inculper les hommes du Shabak de l’assassinat de deux terroristes arabes preneurs d’otages. Auparavant, Zamir avait été un Conseiller juridique plutôt maléable et prêt à accommoder les choses pour ses employeurs. Voilà qu’il était devenu pointilleux avec cette affaire, influencé par ses subordonnées, de jeunes amazones du Parquet, notamment par le procureur de l’Etat, Madame Dorit Beinich, qui le poussa à monter au créneau. Zamir avait été en quelque sorte poussé par Beinich à adopter la posture de grand mousquetaire de l’Etat de droit dont “l’exécution de deux preneurs d’otages compromettrait les fondements de l’Etat d’Israel”.
Finalement dans la fièvre et dans l’urgence pour sortir de cet imbroglio, le Chef du Gouvernement Itzhak Shamir (Likoud) et le ministre des Affaires étrangères Shimon Pérès (Travaillistes) et un peu en retrait, le ministre de la Défense Itzhak Rabin, concoctèrent une solution pour limiter les dégâts. On peut émettre des doutes qu’une telle solution ait pu voir le jour si le Gouvernement n’avait pas été d’union nationale forcée par les résultats des élections de 1984 qui n’avaient pu départager les deux principales formations, le Likoud et le parti travailliste, pourtant rivales, et si leurs dirigeants ne s’étaient point mis d’accord sur ce sujet.
L’homme providentiel pour réaliser cette solution fut trouvé en la personne du Président de l’Etat d’Israël, le défunt Haïm Herzog[6]. On le mit dans le secret et il coopéra pour accorder la grâce présidentielle aux personnes impliquées. En effet, en Israël, seul le Président de l’Etat est habilité à gracier des condamnés. Toutefois, une difficulté juridique non négligeable subsistait: on ne peut gracier qu’une personne condamnée, pas a priori avant que le procès n’ait eu lieu. Or un procès risquait d’exposer le Shabak dont la meilleure arme de son arsenal est d’opérer dans l’ombre, de dévoiler ses modalités opérationnelles. Un coup fatal serait alors porté à cet organisme essentiel pour la sécurité nationale.
Fin juin 1986, un arrangement fut obtenu avec le Professeur Zamir en faisant beaucoup d’effort pour arrondir les angles juridiques. Il est fort probable que le Professeur fut mis au pied du mur, ou bien qu’il prit conscience de la gravité de la situation pour l’Etat. Peut-être qu’une proposition qu’il ne pouvait pas refuser lui fut faite? Le Directeur Abraham Shalom démissionnerait et lui ainsi que six agents du Shabak dont Ehoud Yatom seraient graciés a priori par le Président Herzog et ne seraient pas traduits en justice pour meurtre. Cette solution excita les gorges chaudes des milieux légalistes sourcilleux et de l’extrême gauche identifiant les Droits de l’Homme aux droits du terroriste.
A la Knesset, les partis de gauche et les listes arabes déposèrent une motion de censure contre le Gouvernement. Le député du parti Kach, le Rabbin Meïr Kahana, proposa de décerner la plus haute distinction aux hommes du Shabak au lieu de les gracier. Il introduisit son discours à la Knesset par deux versets du Pentateuque (Deutéronome, XXVIII, 28 – 29) “Le Seigneur te frappera de vertige et de cécité, et de perturbation morale; et tu iras tâtonnant en plein midi comme fait l’aveugle dans les ténèbres, tu ne mèneras pas à bonne fin tes entreprises, tu seras opprimé et spolié incessamment, sans trouver un défenseur.” Le Rabbin Meïr Kahana mit en relief cette “démence où une nation se déchire, se suicide pour deux terroristes maudits, lie de l’humanité, qui ont pris en otage un autobus pour assassiner froidement des Juifs …..” et “……. pour cela on démolit l’Etat? pour ces deux ordures?….”
Le professeur Zamir finit son mandat de Conseiller juridique avec une aura de tribun de l’Etat de droit, le grand défenseur de la loi face aux combines obscures des politiciens et des hommes des services de sécurité agissant loins des projecteurs. Dorit Beinich devint l’enfant chérie des milieux juristes. Elle succéda au Juge Aharon Barak à la présidence de la Cour suprême de 2006 à 2012, première femme à accéder au sommet de la magistrature.
Le Président Herzog qui avait rendu possible l’issue de cette Affaire était l’un des pontes du parti travailliste. Il décéda en 1997. Son fils Itzhak Herzog est l’actuel secrétaire général du camp sioniste, héritier du parti Travailliste, dont le numéro deux, Shelly Yehimovitch, a qualifié aujourd’hui la manifestation de la Place Rabin en faveur du militaire Elor Azaria de “manifestation de la haine et marginale”
Abraham Shalom prit sa retraite en 1986 et s’enferma dans l’amertume. Il fut dévoilé au grand public dans le film documentaire Gatekeepers de 2012 d’un réalisateur d’extrême gauche, Dror Moreh. Ses regrets pour ses actions dans le domaine gris de la légalité semblent lui avoir été tirés du nez par le réalisateur de ce documentaire alors qu’il était diminué et visiblement bien malade, sa main droite figée et tremblante. Il décéda peu après en 2014 à l’âge de 86 ans.
Ehoud Yatom, le responsable de l’exécution sur le terrain des deux Arabes preneurs d’otages, fut gracié et démissionna du Shabak. Il fut élu député du Likoud à la 16ème Knesset de 2003 à 2006.
Est-ce qu’une solution de ce type pour un jeune militaire de 20 ans ne bénéficiant pas de la mobilisation des dirigeants de l’Etat verra le jour, ou alors la protestation publique le soustraira d’une peine de prison comme en ont bénéficié les acteurs de l’Affaire de l’autobus 300?
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[1] Dir El Balah camp de réfugiés dans la Bande de Gaza, au Sud de la ville de Gaza.
[2] En 1984, la Bande de Gaza est encore sous contrôle israélien.
[3] Abraham Shalom (1928 – 2014) Directeur du Shabak entre 1980 et 1986.
[4] Agent du Shabak, démissionna en 1986 dans le cadre de la grâce présidentielle. Fut élu député du Likoud à la Knesset de 2003 à 2006.
[5] Itzhak Zamir, Professeur de Droit, né en 1931, Conseiller juridique du Gouvernement de 1978 à 1986, Juge à la Cour suprême de 1994 à 2001.
[6] Haïm Herzog (1918 – 1997) Ambassadeur d’Israël à l’ONU de 1975 à 1978, notamment quand la résolution “Sionisme = racisme” fut adoptée en 1975 et où il la déchira ostentatoirement. Membre du parti Travailliste. Président de l’Etat d’Israël de 1984 à 1993.
Amen
J’ai eu vraiment peur en lisant le papier. En effet le nom de la déjection est, à une lettre près le nom du Dur parmi les Durs, qui était Roch Hamemchala à l’époque.
Et voilà, c’est ce genre de nuisance maudite que les dirigeants d’Israël ont laissé infecter le pouvoir.
Bien entendu le graal de ces déchets, c’est le bagats.
La cour Suprême celle qui oeuvre contre Israël est imbibée de gauchistes, il faut la dissoudre