Par Yéochoua Sultan
Qu’arrive-t-il donc au célèbre «hebdomadaire israélien des francophones», pour ne pas le nommer? Comment peut-il poser sur sa première de couverture une question aussi peu crédible au regard de la réalité sur le terrain? Pour ceux qui ne l’auraient pas vue, on peut lire en haut de page : «Arabes et Juifs : une coexistence possible?» Admettons que le titre comporte tout de même un point d’interrogation, mais la question, a-t-elle lieu d’être posée? Tout esprit critique non encore endommagé ou dépourvu d’idée derrière la tête se dit que c’est comme si on nous demandait si on peut respirer sans équipement adéquat sous l’eau ou sur la lune.
Et pourtant, il semble que la question ne doive pas être traitée à la légère, en dépit de son côté à première vue fantaisiste. Car elle s’inscrit dans un long travail de sape et de bourrage de crâne, qui a permis de faire dire à un intervenant un peu spécial, sur la première chaîne israélienne, pendant la période des terrifiants attentats antisémites qui ont secoué le pays suite aux accords d’Oslo, dans la mesure où il participait au débat en tant que rescapé des camps : «Vous vous demandez comment nous avons pu nous laisser mener comme des moutons à l’abattoir, alors que nous n’avions pas de pays ou d’armée pour nous défendre. Voyez, nous avons maintenant un pays et des Juifs se font assassiner et déchiqueter par dizaines sans la moindre réaction.»
Sur le coup, personne n’a répondu à cette cinglante objection, mais une piste probable consiste en toute logique dans l’entretien de ce mythe du vivre-ensemble avec un ennemi juré qui n’a jamais déposé les armes, ni à l’issue de la deuxième guerre mondiale ni suite à l’indépendance d’Israël, contrairement à nos pires ennemis qui avaient cessé de nous menacer lors de leur reconnaissance de leur défaite en 45 du siècle passé.
Or non seulement aujourd’hui encore on minimise le danger en reposant une millionième fois la question de savoir si la coexistence est possible, mais il nous faut de surcroît constater que cette épidémie médiatique s’en prend aujourd’hui jusqu’à l’un des derniers bastions qui par ses nombreux articles informatifs et témoignages restitue le plus naturellement possible le lien entre Israël et sa terre.
Vous nous diriez peut-être que la question de la cohabitation bien que dénoncée reste esquivée. Elle nous indigne, nous révolte, semble faire abstraction totale de la mémoire des milliers de victimes juives innocentes des attentats et des guerres racistes et antisémites menées par le monde arabe quelle que soit sa position géographique, qu’elle soit incarnée de l’extérieur par une agression égyptienne ou de l’intérieur par un «arabe israélien» ; mais de réponse point.
Soit. Commençons par regarder autour de nous, à ouvrir les yeux et le cerveau. Ramallah, en plein cœur géographique de l’Etat d’Israël. Combien y a-t-il de synagogues, d’écoles juives, de boucheries ou épiceries cachères? Combien y a-t-il de portes relevées d’une mézouza? Combien de gens y portent le taleth ou la kippa? Aucune présence juive revendiquée ne s’y trouve. Alors, la coexistence, je vous le demande, est-elle possible? Ne serait-il pas pourtant pratique pour des Juifs d’habiter à une minute de trajet de leur capitale? Un argument mensonger vient opposer qu’ils ne sont pas tous comme ça. Allons donc… Et Bethléem en Judée, berceau de la famille royale de David ? Idem. Pour se rendre au tombeau de Rachel, il faut une forte escorte militaire, et le site lui-même est blindé. Autre exemple : Timnat ‘Hérès? Autrement dit le site du successeur de Moshé, dont le nom n’a été que légèrement déformé? Personne ne peut y vivre et il faut une lourde escorte, et encore en pleine nuit, pour se rendre et se recueillir au mausolée de Josué, ou Yéochoua.
Et ne parlons pas de Gaza, où non seulement aucune présence juive n’est possible mais où la proximité n’est pas non plus tranquille. Une première conclusion s’impose : la coexistence est totalement impossible et impensable partout où les Arabes sont au pouvoir.
Passons aux lieux à majorité arabe mais sous souveraineté israélienne. Nous allons rapidement constater une fois encore l’inutilité de s’étendre. Pki’in, la cité talmudique de Rabbi Shimon, était encore habitée par quelques familles juives jusqu’à la dernière décennie. Elles en ont été chassées et leurs biens ont été incendiés, et elles ont dû s’estimer heureuses de s’en être miraculeusement tirées vivantes. Passons à un autre grand homme d’Israël, également nommé Shimon, autour duquel vivent quelques familles juives. Il s’agit de Shimon le Juste, l’un des derniers membres de la Grande Assemblée ; celle qui, comme chacun sait, était formée de cent-vingt Sages, dont les derniers géants de l’ère prophétique. Une pression terriblement antijuive est exercée contre cette communauté, avec renforts de manifestations pour le nettoyage ethnique, auxquelles prennent part des partisans de la haine de soi, trop faibles pour résister à cette tentation et à plus forte raison pour être heureux d’être juifs. Un combat judiciaire de plusieurs décennies a enfin rendu à un propriétaire juif spolié sa maison. et les «sept familles» de Beth Hanina? Idem. Et que penser des simples chauffeurs ayant suivi les indications de leur logiciel de navigation mais qui ont faillé y laisser leur peau simplement parce que le trajet passait par des quartiers occupés par les Arabes?
Les bourreurs de crâne qui ne s’attardent pas trop sur ce qui précède ont un argument qu’ils font mine de trouver juste : grâce à Israël, il y a des citoyens arabes très bien intégrés qui sont médecins, pharmaciens, ou informaticiens, et y a le gentil village d’Abou Gosh, qui n’a pas subi le sort d’autres localités justement parce qu’il n’avait pas été, déjà en 48, hostile aux Juifs.
En ce cas, en allant dans le sens de cette objection et avant de la réfuter, nous avons la preuve que pour que la coexistence soit possible, il faut nécessairement et impérativement que les Juifs soient au pouvoir et que ce soient eux qui dispensent les études dans des institutions leur appartenant, et que ce soient encore eux qui délivrent les diplômes et aussi les postes. Car concrètement, selon cette belle intégration, une femme juive de Beth-El ou d’Eli, peut accoucher à Hadassah Har Hatsofim mais pas à la maternité ultramoderne de Ramallah pourtant plus proche en kilomètres.
Mais qu’en est-il réellement de cette merveilleuse coexistence? Il convient ici de citer un cas qui fait école. Lors de la troisième guerre de Gaza, une soldate devait se faire soigner à l’hôpital Soroka. Il s’est trouvé qu’elle est tombée sur un médecin arabe qui l’a traitée avec mépris, lui disant qu’elle n’avait qu’à aller voir Netanyahou pour se faire soigner. Une fois encore, on peut se dire que ladite soldate a eu de la chance, car il aurait aussi bien pu s’en occuper et la laisser sur le billard. Si on objecte que ce médecin était énervé par la situation sécuritaire tendue, alors on se retrouve comme en Tunisie : les Arabes sont très accueillants, avenants et tout et tout tant qu’il n’y a pas de conflit actif entre Israël et se voisins. Ou alors, on objectera que ce médecin arabe ne parle que pour lui-même, et qu’il ne faut pas généraliser. C’est à voir. Car ce genre d’objection est caractéristique d’une tendance qui cherche à innocenter en généralisant tous les Arabes quand un des leurs assassine un ou des Juifs par racisme et antisémitisme. Ces objecteurs vont même jusqu’à haïr les leurs quand ils osent remettre en question cette coexistence qui tue.
Achevons l’objection à l’objection : Abou Gosh… Les usagers qui empruntent la route n°1, celle qui descend de Jérusalem vers la plaine côtière, pourront le remarquer s’ils n’ont pas fait attention : outre l’énorme mosquée aux multiples minarets ostentatoires et de fabrication récente, on peut voir que les dernières habitations se présentent sous la forme d’une rangée de maisons à l’écala localité juive voisine de Kiryat Yé’arim. Par ailleurs, malgré leur houmous casher, les élections pour la Knesset ont montré que plus de 90% des électeurs ont soutenu les listes antijuives dont l’abjection de la haine s’exprime quasi quotidiennement au sein de l’hémicycle et dont l’hostilité n’a plus besoin d’être prouvée.
Les bornés de la coexistence meurtrière affectionnent les poses en compagnie de rares exceptions qui confirment la règle, comme la Zouabi reconnaissante, parente de la tristement célèbre Zouabi ingrate et haineuse. Seulement, on sait qui des deux Zouabi siège dans la liste arabe unifiée de la Knesset. Mais cela n’empêche pas certains de se bercer d’illusions et à devenir totalement passifs dans le meilleur des cas et accusateurs envers leurs propres frères comme susdit dans les pires situations, mais surtout ils perdent toute volonté ou opinion contre cette coexistence factice.
On ne se contente pas d’imposer un décor artificiel de bonne entente, on écrase aussi outre le bon sens les valeurs et les aspirations les plus profondes. Quand la machine à tuer fut introduite en plein cœur de la terre d’Israël, et vit la porte grand s’ouvrir aux attentats-suicides en série, d’aucuns se sont écriés : «Il est mort, le rêve du grand Israël!» Malheureusement, certains ont renoncé à leurs aspirations, en fait à l’aspiration du retour et de la restauration du peuple juif à redevenir hébreu (pour reprendre la formulation de la pensée du Rav Ashkénasy), et ont commencé à faire contre mauvaise fortune bon cœur et à faire taire aussi leur cerveau pour aimer la coexistence toute en espérant s’en sortir vivants.
Il serait injuste d’oublier que le signal d’alarme avait toutefois été tiré par certaines personnalités connues du grand public, présageant qu’outre notre droit indéfectible à vivre partout sur notre terre et donc sous souveraineté israélienne, la seule paix raisonnablement viable devait consister à éloigner les populations antisémites et hostiles. La commémoration de Re’havam Zéévi, qui fut ministre, d’où l’officialité de la cérémonie, ou celle du rabbin Meir Cahana, en cercle privé bien qu’il fût député de la Knesset, ont obtenu un accueil sinon glacial du moins mitigé. Il suffit de parcourir les pages FB et de constater le petit nombre de «j’aime».
Ils ont été ostracisés, diabolisés puis finalement assassinés. Et pourtant, que nous montre la réalité quand tout le contraire de ce qu’ils revendiquaient a été imposé? Quand au lieu d’éloigner l’ennemi qui occupe Gaza, ce sont les Juifs qui ont été chassés? Honnêtement, refuser aujourd’hui de reconnaître qu’ils avaient raison revient à se dire que les Juifs assassinés parce qu’ils étaient juifs, ici en terre d’Israël, dans le pays d’Israël, ne pèsent pas bien lourd. Nous n’allons pas ici présenter un liste exhaustive ou partielle des victimes qui mériteraient une journée du souvenir où leurs noms seraient énumérés dans le recueillement, ni de l’atrocité des crimes antijuifs, mais que chacun tente de se commémorer les personnes assassinées qu’il connaissait personnellement, ou qu’il aurait pu connaître. Que l’on prenne en compte également ces rapports du Shin Beth qui font état d’un ordre de grandeur de quatre cents attentats contrecarrés chaque année.
On peut honnêtement se demander, alors que la vérité hurle d’elle-même, ce qui donne encore aujourd’hui la force à ces apprentis sorciers de la coexistence de ne pas se cacher sous terre d’opprobre. Eh bien, c’est précisément leur façon d’entretenir le déni de la réalité. Non, pour eux, les attentats ne sont pas antisémites, quand ils assassinent des Juifs en Israël. Nous l’évoquions récemment. Le vocabulaire est truqué, manipulé, et le prisme déformé. Les attaques seraient «nationalistes», les attaquants par désespoir (dont seuls les Juifs israéliens sont coupables) revendiqueraient des droits «sociaux», «socialistes». Bref, le Juif est coupable de ne pas reconnaître cette double appartenance. Personne n’y trouve à redire, pas même les feuillets hebdomadaires religieux ou de droite, selon l’appellation courante, qui se battent pour faire valoir que tel crime ne relevait pas du droit commun mais d’une motivation nationaliste. Alors, comment se fait-il que les observateurs qui ne voient que du nationalisme et du socialisme ici n’en disent pas autant pour l’Allemagne du IIIème Reich, quand les Juifs contrariaient selon ce régime des aspirations également nationales et socialistes?
Sans entrer dans l’analyse historique, ni chercher à répondre à la question sur la complicité ou l’indifférence des peuples et nations quand il se passait entre l’Allemagne et la Pologne ce que nous ne connaissons que trop bien, il se peut que la non désignation de l’antisémitisme par son nom ait neutralisé les bonnes volontés. Nous évoquions dans un autre papier (qui n’est pas notre sujet ici), que l’occultation du caractère antisémite des attaques contre les Juifs en Israël peut ne pas être étrangère à la recrudescence de l’antisémitisme en Europe, parce que si un coup porté par un Arabe à un Juif en Israël ne relève pas de l’antisémitisme, il en devient analogiquement de même en Europe, où il ne peut tout au plus qu’être question de glissement ou d’importation de conflit (bien qu’on tentera d’abord de voir s’il ne s’agit pas d’un règlement de compte entre voyous). Le dicton populaire dit : «Il faut appeler un chat un chat». Si on ne le désigne pas par son nom, alors il n’y a plus de chat. «Un chat? Mais où donc voyez-vous un chat? Espèce d’extrémiste parano!»
Nous parlions l’an dernier de l’effritement de la droite en Israël. Cet effritement s’accompagne aussi d’un dénigrement de valeurs du Livre. Les populations ennemies que vous laisseriez se transformeront en aiguillons sur vos flancs. Nous ne l’avons que trop expérimenté, et en avons récolté un énième phénomène ou une énième manifestation nouvelle : les cerfs-volants et autres ballons incendiaires.
Pour garder le cœur chaud et la tête froide, chez tous les observateurs dont l’expression peut s’apparenter au journalisme (terme devenu malheureusement péjoratif), il faut impérativement garder son indépendance. La presse n’est pas autonome, pas même la presse satirique. Ce n’est un secret pour personne : tous les organes de presse sont subventionnés par des gouvernements ou groupes d’intérêt.
Pour ne pas tomber dans l’admiration béate d’une coexistence hallucinatoire, il faut être prêt à rédiger ses analyses et opinions sans aucune rémunération en échange, en ayant en parallèle un autre métier pour gagner sa vie.
Rares sont ceux qui peuvent rester lucides ou revendiquer leur lucidité en gardant leur place dans une presse qui corrompt les cerveaux et les âmes. Il faut garder sa fierté et ne pas se laisser tenter par les fonds excessivement riches d’amis peu recommandables. Nous préserverons nos rêves, nos aspirations et nos valeurs, nous serons comme ce loup libre et non comme ce chien au pelage aplati par ses chaînes.
Que les apôtres qui se targuent de nous faire la morale aillent prospecter du côté de Ramallah, qu’ils y expliquent que ce n’est pas bien de n’avoir aucune trace de communauté juive et qu’il faut d’urgence qu’en ce lieu si proche des centres de la vie israélienne, surgissent des synagogues et que des habitants arborent l’étoile de David ou la kippa sereinement, que les routes interdites soient ouvertes à la circulation pour les Juifs, sans qu’ils ne soient attaqués, d’autant que les occupants musulmans utilisent les routes de déviation tracées précisément pour les Juifs en raison de la haine de ceux-là.
Certes, les apôtres moralisateurs du vivre-ensemble de l’intérieur sont parfois moins nocifs que ceux de l’extérieur pour qui même les assassins qui perpètrent des attentats antisémites sont justifiables, mais ils restent corrosifs. Colporteurs de la coexistence, allez prêcher ailleurs…
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