Par Meïr Ben Hayoun
Il est très difficile pour ceux qui n’ont pas connu cette époque de comprendre la colère des vagues d’Alyah des pays arabes des années 50 et 60. La discrimination sociale par l’establishment travailliste principalement laïc et ashkénaze avait suscité un profond sentiment de frustration. Cela a débouché au début des années 70 par une rébellion de jeunes séfaradim souvent livrés à eux-mêmes et que le système avait rejetés. Ils s’étaient organisés dans un cadre politique intitulé les “panthères noires”.
Charlie Bitton décédé ce shabbat, le 24 février 2024, à l’âge de 76 ans, a été manifestement une des figures des plus emblématiques de cet embrasement social plutôt houleux. Il avait opté pour une démarche d’agitation et de provocation contre le système. Sorti très tôt de l’école primaire et privé de culture politique, il avait été abordé par des éléments du Matzpen, l’extrême gauche antisioniste dont nombre de ses membres ont été condamnés pour haute trahison.
Les membres du Matzpen n’avaient bien entendu rien à voir avec la discrimination dont faisaient objet les sefaradim. Ce problème n’était d’ailleurs point leur souci. Ils étaient même des privilégiés issus des universités israéliennes où à cette époque, les séfaradim n’avaient que très rarement accès. Matzpen a su pénétrer Charlie Bitton et d’autres panthères noires en leur inoculant des schémas marxistes simplistes sur les dominants et dominés. Ils les ont convaincus que le sionisme était un mouvement colonialiste discriminant les sefaradim au même titre qu’il avait opprimé les Arabes en 1948 et en 1967.
Le sionisme atavique vibrant et biblique ayant fait parvenir les trois quarts du judaïsme des pays arabes à Sion était complétement éludé dans cette manipulation grossière par Matzpen. Pour eux il s’agissait de faire franchir aux panthères noires le Rubicon de l’antisionisme en exploitant leurs énergies débordantes de protestation sociale.
C’est ainsi que Charlie Bitton fut choisi comme candidat à la Knesset par Hadash, le parti marxiste arabe israélien manœuvré par Matzpen et par des antisionistes juifs. De facto, les marxistes de Matzpen se servaient aussi bien des Arabes israéliens que des sefaradim des panthères noires. Par le truchement de Bitton, ils espéraient phagocyter le mouvement d’agitation sociale des masses séfarades à la lutte antisioniste. Le résultat fut pratiquement nul.
C’est ainsi qu’il faut comprendre les prises de position proches de la trahison de Charlie Bitton comme son identification aux thèses de l’OLP. Il a été le premier député de la Knesset à avoir rencontré Arafat en 1980.
Par la suite, après avoir quitté le parti Hadash en claquant la porte en 1992, le sinistre des accords d’Oslo au milieu des années 90, Charlie Bitton a opéré un revirement à 180 degrés. Il est revenu petit à petit à la tradition juive séfarade de sa famille, des originaires du Maroc. Il s’est repositionné nettement à droite. Interviewé par le périodique de droite Makor Rishon, il avait déclaré : “J’ai cru que nous pourrions arriver à la paix avec les palestiniens, deux Etats pour deux peuples. J’ai changé d’avis. Je me suis rendu compte que nous avions affaire avec des escrocs. Ils ne veulent qu’une chose, une seule : nous jeter à la mer“. Quand cela a été diffusé, les média du main stream principalement de gauche ne l’ont pratiquement plus sollicité.
Lors de la période des terribles attentats de la seconde intifada il y a environ 20 ans, le croisant au centre-ville de Jérusalem, je me suis présenté à Charlie Bitton. Je lui ai demandé ce que désormais nous devions faire avec l’ennemi dit “palestinien”. Sa réponse dans le langage rude des sefaradim de Jérusalem fut immédiate:צריך לכסח להם את הצורה . En français, cela donne : “il faut leur casser la gueule !”. Et il m’a salué chaleureusement par le traditionnel “mon frère” des jeunes de Jérusalem. Je m’en souviens comme si c’était hier.
Evoquant cela, notre ami le docteur Michael Ben Ari, fondateur du parti Otzma yehoudit, nous a révélé qu’à chaque fois qu’il rencontrait Charlie Bitton, ce dernier maudissait les députés des partis arabes de la Knesset. Charlie Bitton voulait se rapprocher de Michael Ben Ari.
Charlie Bitton, que ton souvenir nous soit bénédiction
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