Par Meïr Ben-Hayoun
Pas toujours, mais souvent, il est vain de répondre à des gens n’assumant pas le destin national collectif en Israël. Des personnes qui jouent les Israéliens par procuration. De surcroît dans un amalgame d’arrogance et d’analphabétisme hébraïque, ils estiment pouvoir nous asséner leurs projections de politique française ou européenne en déclin sur la réalité israélienne infiniment plus complexe.
Hier soir, en tant que représentant francophone du parti Otzma yehoudit, j’ai été appelé par Radio J à commenter les résultats des élections. Je suis intervenu après un prétendu spécialiste, le docteur Sammy Cohen, vivant en France, soutenant qu’Israël est une démocratie “fragile”, en voie de dictaturisation, parce que la majorité juive toujours de droite octroie de nouveau sa confiance au Premier ministre Binyamin Netanyahou.
Pourquoi démocratie fragile selon cet “expert” ? D’après lui, Israël étant une expression étatique juive serait en porte-à-faux aux valeurs de démocratie libérale – comme si la démocratie ne pouvait être que libérale. Ainsi, dispensé de fournir toute argumentation, s’érigeant en grand prêtre du clergé politiquement correct, Sammy Cohen assène le dogme de la démocratie libérale comme unique version authentique de la démocratie. Par cette manipulation insidieuse, il lamine tout le socle sioniste du fondement de l’Etat d’Israël comme Etat juif.
Je me suis donc senti obligé de rappeler des évidences que nous apprenions en classe de Première en France lors des cours sur la séparation des pouvoirs par Montesquieu : à savoir que la démocratie, c’est la voix du peuple s’exprimant dans les urnes et non la dictature des minorités privilégiant en valeurs suprêmes, absolues et prioritaires les droits de l’homme dans leur acception la plus hégémonique. Pour illustrer cela concrètement, c’est lorsque les droits de l’homme des ennemis d’Israël, les droits des assassins et des terroristes, sont prioritaires sur les droits à vivre des victimes du terrorisme. C’est notamment lorsque l’appareil judiciaire israélien enraye les mesures de répression de la Défense d’Israël dûment légiférées par la Knesset. En d’autres termes, l’appareil judiciaire bafoue les lois votées par la majorité. Et par escroquerie intellectuelle, des Sammy Cohen qualifient de “démocratie libérale” cette mise en otage de la démocratie israélienne.
Pour en revenir aux élections, notre très cher ami Itamar Ben Gvir du parti Otzma yehoudit élu hier député de la Knesset sur la base d’une plateforme de valeurs juives sionistes et prônant le maintien du statu quo existant depuis 1948 sur les questions d’Etat et religion. Mais voilà, il y a toujours un hurluberlu de service pour lancer que c’est une dérive “théocratique”, ce qui ne veut strictement rien dire en cohérence juive.
Certains sombrent allègrement dans l’écueil de l’amalgame entre les valeurs étatiques traditionnelles juives et celles des civilisations théocratiques qui nous ont martyrisés.
Si on désire se placer dans les catégories hébraïques politiques des Enfants d’Israël dont nous nous réclamons – les enseignements de notre Tradition stipulent que tout dirigeant du peuple juif depuis Moshé Rabbénou, en passant par les Juges comme Josué, Otniel Ben Kenaz, Barak, Gédeon, Jephtée, Samson, en passant par le Prophète Samuel et par les Rois d’Israël et jusqu’aux souverains Hasmonéens et aux Rabbins, les Sages du Sanhédrin, le dirigeant du peuple d’Israël doit être désigné par Hakaddosh Baroukh Hou par le truchement du Prophète de l’époque – comme Samuel désignant et opérant l’onction du Roi Saul ou du Roi David. Or, être désigné par Hakaddosh Baroukh Hou par le truchement du Prophète ne suffit pas pour en faire des rois. Le peuple a droit à se prononcer et a droit au veto face à Hakaddosh Baroukh Hou. C’est énormissime pour une conscience juive de croyant et pourtant, c’est la Loi de la Tradition juive.
Pour se faire entériner et pour pouvoir diriger de facto, un dirigeant d’Israël doit donc être plébiscité par la majorité du peuple des Enfants d’Israël.
C’est pour cela entre autres que dans le Livre d’Esther que nous avons lu récemment lors de la fête de Pourim, il est écrit (Esther 10, 3): “Car le juif Mardochée venait en second après le roi Assuérus; il était grand aux yeux des juifs, aimé de la foule de ses frères; il recherchait le bien de son peuple et défendait la cause de toute sa race.” En clair, cela signifie en termes modernes que Mardochée était le dirigeant des Juifs de cette époque en toute légitimité représentative, en toute légitimité démocratique.
La démocratie moderne, c’est peu ou prou, le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple selon la fameuse formule du 16ème Président des Etats-Unis, Abraham Lincoln. Ce que notre Tradition toranique a compris et stipule depuis plus de 3000 ans, Toutefois quelque peu différemment car Israël tente le pari de couronner le Créateur. Le Créateur, le Dieu d’Israël, donne entière procuration au peuple pour s’exprimer. En cela, la voix du Peuple d’Israël est incontournable.
Moshé, tout Moshé Rabbénou qu’il est en connexion directe avec Hakaddosh Baroukh Hou, ne peut donc mener les Enfants d’Israël pour les faire sortir d’Egypte que dans la mesure où le peuple l’accepte comme dirigeant et le suit. Bien qu’ayant libéré le peuple du joug de l’esclavage et lui ayant transmis la Torah sur le Mont Sinaï, Moshé Rabbénou a été contesté en permanence par des personnalités de premier plan désirant prendre sa place comme Datan et Aviram ou Korah.
De même, lors de la révolte de son fils Absalon voulant prendre sa place, le Roi David alors détrôné ne se considère pas avoir réintégré son trône tant que le peuple ne lui réaccorde pas sa confiance et sa légitimité démocratique de Roi d’Israël.
Dans une certaine mesure, c’est rassurant lorsqu’aujourd’hui des phénomènes similaires décourageant et hallucinant se produisent sur la scène politique israélienne. Ça veut dire que nous sommes le même peuple qu’alors. Si Moshé Rabbénou ou David l’archétype du Roi d’Israël, ont été ainsi malmenés, un dirigeant actuel ne peut s’attendre à autre chose.
De sorte que seul un analphabète complet peut plaquer sur la réalité du peuple des Enfants d’Israël depuis la sortie d’Egypte la catégorie de “théocratie” devenue extrêmement infamante et synonyme de fascisme et d’autres horreurs surtout depuis qu’elle décrit notamment le régime nazislamiste iranien actuel.
C’est là où les termes sont galvaudés. Ce langage corrompu fait de part ailleurs le jeu des détracteurs d’Israël.
Ne peut-on pas déjà lire dans une certaine presse israélienne post-sioniste ou dans des médias français que Netanyahou compte s’allier pour sa future coalition à des “théocrates” ou avec des “fascistes”. Ces médias ainsi entachent Israël alors que notre Etat est une démocratie on ne peut plus vibrante où pratiquement chaque courant de pensée et sociologique juif est représenté à la Knesset. C’est cela la force de notre démocratie dans le sens le plus authentique, ceci malgré les cafouillages, et malgré la dérive préoccupante de l’ingérence foncièrement antidémocratique des juges de la Cour suprême et la crise politique chronique qui en découle.
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