Par Haggaï Segal, traduction de l’hébreu par Méir Ben-Hayoun
La peine de mort pour les terroristes est toujours prévue par le code pénal israélien. Haggaï Segal de Makor Rishon nous invite à un tour d’horizon de la non-application de la peine de mort aux terroristes dans l’histoire moderne d’Israël ; comment presque toujours, les assassins ont été libérés sans que les peines sévères de prison à perpétuité ne soient réellement appliquées. Relançant la controverse sur la peine de mort pour les terroristes arabes, Haggaï Segal indique que paradoxalement, le père de la gauche sioniste Ben Gourion était carrément favorable, alors que des membres éminents de la droite israélienne comme des vétérans de l’Irgoun, s’y sont opposés.
« Il est temps de mettre en application la peine de mort pour mettre un terme aux libérations systématiques de terroristes assassins. Même John Kerry ne pourra pas faire libérer un terroriste mort » conclut Haggaï Segal.
Précisément 45 ans après que l’Etat d’Israël a fait libérer pour la première fois des terroristes détenus en échange d’otages, les passagers d’un avion d’EL AL détourné en Algérie, le peuple d’Israël se réveille. Seulement depuis cette semaine, le public israélien a fini par comprendre cruellement que l’assassinat de Juifs par des terroristes arabes est un délit impuni. Pratiquement toutes les peines de prison à perpétuité infligées à des terroristes n’ont été dans le meilleur des cas que des recommandations. Très peu de condamnés arabes à perpétuité n’ont réellement purgé à terme. La plupart a été libérée bien avant dans le cadre d’une transaction et d’un geste pour les pourparlers de « paix », ou juste par abdication. Tous les Gouvernements d’Israël, de gauche comme de droite, n’ont pas réussi à faire appliquer les verdicts des juges.
Connaissant les personnes au pouvoir, il est clair que cette politique de la porte tournante se poursuivra encore longtemps. Les Tribunaux condamneront des terroristes abominables à des peines sévères et l’échelon politique les fera libérer bien avant terme. Aucune commission Shamgar ne parviendra à les faire maintenir en prison et aucun verdict ne sera immunisé contre le risque de grâce. Ygal Amir est le seul prisonnier en Israël qui restera en prison jusqu’à son dernier jour. Une loi spéciale empêche le système de grâce de le libérer avant. Cette loi n’est pas applicable aux assassins terroristes « palestiniens », ni pour les assassins de masse.
Bien entendu, cette proposition n’est pas nouvelle. Des hectolitres d’encre lui ont été consacrés lors des générations précédentes. Même Ben Gourion a eu le temps de participer ce débat sur la peine de mort. Deux ans après la Guerre des Six Jours, lorsque le terrorisme arafatien a commencé à se répandre, Ben Gourion a exprimé son opinion sur le fait qu’il n’était point nécessaire de légiférer une législation spéciale pour la pendaison de terroristes. Selon lui, il était possible de les faire pendre en application de la loi contre le génocide. Dans un article publié dans le quotidien Haaretz : « Ce que font les terroristes arabes ne vise pas spécifiquement tel ou tel individu pour un règlement de compte, pour une querelle ou d’autres conflits personnels. Leur but procède de l’intention de génocide contre le peuple juif sur sa terre. » (23/12/1968)
Le ministre de la justice à cette époque Yaacov Shimshon Shapira ainsi que le Conseiller juridique du Gouvernement Moshé Ben Zeev, protestèrent énergiquement. Ils soutinrent que la peine de mort pourrait entrainer un dommage politique substantiel à Israël. Ben Gourion n’en fut pas convaincu. Il écrit à Shapira : « je ne suis pas juriste, mais je comprends ce qui est écrit en hébreu dans le code pénal. Pourquoi n’applique-t-on pas cette loi pour les crimes de l’organisation du Fatah et consorts, des organisations dont le seul objectif déclaré est l’extermination des Juifs d’Eretz Israël, et au lieu de la peine de mort comme la loi le prévoit, on les condamne à des peine de pension-emprisonnement dans une prison israélienne ? Est-ce que cette loi aurait été abrogée par la Knesset ?
Non, cette loi n’a jamais été abrogée par la Knesset. Toutefois, en 1954, la Knesset a abrogé la possibilité de pendre des assassins non terroristes, mais elle a maintenu la possibilité de condamner à mort des terroristes dans des instances militaires. La première fois le fut lors du procès de Mahmoud Hidjazi, un terroriste du Fatah capturé par Tsahal avant la Guerre des Six Jours et qui n’avait pas eu le temps de tuer quiconque. Le Chef d’Etat-major Itzhak Rabin commua la peine capitale à 25 ans de réclusion. Hidjazi fut libéré déjà en 1971 en échange d’un agriculteur israélien de Métoula capturé au Liban.
L’un des principaux opposants à la peine de mort pour les terroristes a été le Conseiller juridique à l’époque de Golda Meïr, le Juge Meïr Shamgar (ndlt : Président à la Cour suprême de 1983 à 1995). Golda Meïr et Moshé Dayan voulaient faire condamner à mort le Kozo Okamoto (ndlt : terroriste japonais de l’Armée rouge japonaise collaborant avec le FPLP) qui avait effectué le massacre des passagers à l’aéroport de Lod en 1972. Toutefois, ils emboutèrent le pas sur la position du Juge Shamgar : « une société ne peut prendre la responsabilité de prendre une vie humaine ». C’était une approche humaniste et non pas un avis juridique. Shamgar avait été membre du Etsel, l’Irgoun de Menahem Begin pendant le Mandat britannique. Il avait probablement été traumatisé par la pendaison de ses frères d’armes par les Britanniques. Comme beaucoup d’Israéliens, il a eu du mal à faire le distinguo entre des terroristes et des combattants pour la liberté. Seules quelques personnalités isolées comme Ben Gourion ont pris leur courage à deux mains pour définir les hommes du Fatah comme des assassins antisémites.
En dépit de l’approche de Shamgar, en 1972, un enseignant de Kfar Beita en Samarie a été condamné à la peine capitale. Il avait été blessé par une bombe qu’il avait l’intention de déposer à Natanya. Cette condamnation fut infligée à la demande du Parquet, probablement un accident de travail du Parquet militaire. Cette condamnation fuit commuée par une peine d’emprisonnement par une instance supérieure, cette même instance qui commuera la condamnation d’un terroriste résident de Tira qui avait déposé un grenade dans un autobus en direction de Tel Aviv. Il fut jugé quelques jours après le massacre des sportifs à Munich alors que l’émotion au sein de l’opinion publique et des juges était à son comble.
« Il n’est point convenable pour une société éclairée de condamner à mort. Toutefois, dans le cas d’un meurtre de masse, celui qui a pitié pour les cruels finira par être cruel envers les miséricordieux » donna comme explication le président du Tribunal, le Juge Yoram Gline, lors du procès de Moussa Djoum’a A-Talka, l’un des terroristes de l’attentat à l’hôtel Savoy en 1975. Le Parquet militaire horrifié qui se serait contenté d’une peine d’emprisonnement à perpétuité fit appel pour la gravité de la peine. Dans ce cas-là aussi, la condamnation fut commuée. Seulement huit années plus tard en 1983, le Gouvernement Shamir le libéra pour six militaires du Nahal qui avaient été capturés par le Fatah au Liban. Au passage, lors de cette transaction, la plus généreuse de tous les temps, 5000 terroristes furent libérés, et parmi eux les assassins de Bet Hadassah qui ne purgèrent que trois ans d’emprisonnement (ndlt : attentat de Bet Haddassah à Hébron en 1979 où six Juifs de retour de la prière d’accueil du Shabbat furent mitraillés)
Le dernier terroriste qui fut condamné à mort fut Saïd Badarna, l’architecte de deux attentats à la bombe ayant fait de multiples victimes en 1994, juste après les accords d’Oslo, à Afoula et à Hadéra. Le jury extraordinaire présidé par le juge, le Lieutenant-colonel Oded Pezenson, le condamna à mort en dépit du fait que le Parquet ne requerra pas cette peine. Le verdict discuta avec l’argument selon lequel la peine de mort ne parviendra pas à empêcher des attentats suicide : « En effet, appliquer la peine maximale selon les dispositions de la loi ne peut dissuader les gens du Hamas et des organisations qui encouragent des fous à devenir martyres ». Les juges ajoutèrent : « Israël, l’Etat des Juifs dont la fierté est d’être un Etat de droit, a le devoir de protéger ses citoyens et le Tribunal doit prendre une part active dans cette protection. Ce serait la fin de l’Etat de droit si le Tribunal ne prenait le courage de rendre justice maximale pour des cas comme celui-là et dans des circonstances le justifiant totalement. »
Badarna ne fut point inquiet par cette condamnation. Il n’avait aucun raison de l’être : « je suis sûr que je ne serais pas exécuté » déclara-t-il aux journalistes, et avec raison. La Cour martiale d’appel à Ramallah ordonna de lui refaire un procès. Cette fois-ci, ce fut un jury plus clément qui se contenta de le condamner à plusieurs emprisonnements à perpétuité. Il y a presque deux ans de cela, dans le cadre de la transaction pour le soldat Shalit, Badarna fut libéré. La transaction Shalit éveilla les craintes enfouies des familles endeuillées, que la libération des assassins de leurs êtres chers n’est qu’une question de temps. Certains parmi eux demandèrent que la peine de mort soit infligée aux assassins afin de prévenir la grâce par la pendaison. Par exemple, la famille du militaire Abraham Bromberg zal enlevé et assassiné en 1981 par les frères Younès, des Arabes citoyens israéliens de Wadi Ara. Ces assassins furent condamnés à mort par un tribunal militaire.
Haïm et Sarah Bromberg, les parents endeuillés entendirent le verdict à la radio. Le speaker affirma que ce verdict devait être entériné par le Chef d’Etat-major, Moshé Lévy. Haïm et Sarah prirent la route pour Bet Alfa, le kibboutz où résidait le Chef d’Etat-major Moshé Lévy afin de le convaincre d’entériner la condamnation. Moshé Lévy refusa de les recevoir. Il leur fit dire que dans cette affaire, son statut était celui d’un juge, de sorte qu’il ne pouvait se laisser influencer par aucune des parties. Les parents furent profondément déçus. Ils exprimèrent à la presse leur crainte que la condamnation ne sera pas exécutée et qu’au final, les assassins seraient libérés : « ce serait une infamie si on les gracie. Avec toutes les bonnes conditions de détention dont bénéficient les détenus jusqu’à leur libération avant terme, comment pourra-t-on dissuader des assassins s’ils sont assurés qu’ils ne risquent pas de condamnation à mort, et que tout au plus, ils risquent un emprisonnement suivi d’une libération anticipée en échange d’otages ? » (Yedioth Aharonot, 04/01/1984)
Entre temps, Haïm et Sarah Bromberg sont décédés sans avoir eu le privilège, entre guillemets, de se rendre compte qu’ils avaient raison. Lors de la transaction Shalit, le terroriste (ndlt : Sammy Younès, arabe israélien) qui avait planifié l’enlèvement de leur fils a été libéré. Et très prochainement, les deux assassins d’Abraham Bromberg seront libérés conformément à la décision gouvernementale de la semaine dernière de libérer 104 assassins. Le neveu d’Abraham Bromberg zal, Avi Bromberg est le porte-parole du Conseil régional Hof Hacarmel. Il est également le porte-parole de la lutte échouée contre la libération des 104. Jusqu’à présent, on ne se souvient pas de luttes de ce type qui ont réussi. La seule chance de les rendre inutiles et de de relancer le vieux débat sur la peine de mort.
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